Le docteur Muriel Hamon démêle pour vous le vrai du faux de la Rhino !

 

Une nouvelle épidémie de rhinopneumonie équine touche la France depuis quelques semaines, relançant l’éternel débat entre les pro vaccination et ceux qui y sont très opposés. Comment y voir plus clair entre tous les arguments avancés dans chaque camp ?
MH : Avant de parler vaccination, il faut déjà bien comprendre de quoi on parle quand on évoque le virus de la rhinopneumonie et il existe en réalité deux virus ! L’HVE4 (Herpès Virus Equin de type 4), le plus fréquent, mais qui n’est pas à l’origine de l’épidémie actuelle. Il provoque principalement des syndromes grippaux mais peut aussi être à l’origine d’avortements.
Le virus qui nous inquiète aujourd’hui est l’HVE1 (Herpès Virus Equin de type 1) qui s’exprime également avec des signes respiratoires (fièvre, jetage, toux) mais également sous une forme neurologique, plus rare, et potentiellement mortelle. La forme neurologique provoque une parésie postérieure allant jusqu’à l’incapacité du cheval à se lever. L’HVE1 est aussi un virus abortif. C’est le pathogène à l’origine de la majorité des avortements viraux chez la jument.

Une jument peut-elle être porteuse du virus sans être malade ?
Oui, le virus peut être présent dans l’organisme de l’équidé sous une forme latente. Il serait d’ailleurs très largement répandu sans qu’une étude ne nous donne des chiffres précis sur le nombre de chevaux contaminés.  Dans ce cas, les chevaux ne développent pas de symptômes et ne sont pas contagieux. Chez les poulinières, cela ne l’empêche pas de provoquer un avortement si les défenses immunitaires ne sont pas suffisantes ou se mettent à diminuer, suite à un événement stressant, un coup de froid par exemple, ou une mauvaise protection vaccinale.  C’est pour cette raison que l’on incite fortement les éleveurs à vacciner leurs juments, pour augmenter leurs défenses immunitaires contre le virus et réduire les risques d’avortement. C’est d’autant plus important qu’en cas d’avortement, la jument est fortement excrétrice via les sécrétions génitales et le placenta, elle peut donc contaminer le reste de l’effectif !

Qu’en est-il pour les chevaux de concours ?
Les chevaux de concours peuvent aussi être porteurs sains. Le virus peut se déclarer à la faveur d’un stress comme un long transport, un changement brutal d’environnement, une compétition particulièrement stressante pour le cheval. Il devient alors excréteur du virus par ses sécrétions nasales et contamine son entourage. Là encore seule la vaccination permet de limiter la propagation du virus.

On dit pourtant que le vaccin n’est pas très efficace, notamment sur la forme nerveuse de la rhinopneumonie.
Si le vaccin est très efficace pour lutter contre l’avortement, il est en revanche inopérant sur la forme nerveuse du virus. Mais il s’agit ici de développer, non pas une immunité individuelle, mais surtout une immunité collective. Un cheval vacciné a moins de risque de développer des symptômes et de contaminer son entourage. S’il tombe malade alors qu’il est vacciné, ses symptômes seront plus faibles. La charge virale de ses sécrétions sera plus faible, ce qui atténue le risque de contamination. Plus un nombre important de chevaux seront vaccinés, moins le virus sera excrété, moins il contaminera de chevaux sains, et plus sa diffusion sur le territoire sera limitée. C’est là tout l’intérêt d’une vaccination de masse.

Qu’en est-il des contre-indications pour la vaccination ? Y-a-t-il des effets indésirables ?
Comme pour toute injection, le cheval peut présenter un gonflement local transitoire qui disparait en quelques jours, sans observer de désagrément particulier. Dans de très rares cas (moins d’un animal sur 10.000) des cas de raideurs, anorexie ou léthargie ont été rapportés.

Quel est le protocole de vaccination ?
La vaccination doit être fréquente, car l’efficacité du vaccin est d’assez courte durée et seule une couverture maximale permet d’éviter à près de 100% l’avortement chez les poulinières.
Il existe deux principaux vaccins distribués en France, chaque vaccin ayant son propre protocole. Seul votre vétérinaire peut donc vous donner la bonne marche à suivre selon le vaccin injecté.
Pour le premier d’entre eux, la primo vaccination est réalisée par deux injections à un mois d’intervalle, suivi d’une troisième injection six mois plus tard. Un rappel tous les six mois (recommandé), au plus tard chaque année, permet d’assurer une couverture correcte contre le virus.
S’agissant des poulinières, pour ce même vaccin, il est conseillé de faire un rappel juste avant la saison de monte, puis aux 5ème, 7ème et 9ème mois de gestation pour une immunité maximale contre l’avortement. Il est en revanche déconseillé de vacciner dans la semaine précédant et les 21 jours suivant la saillie. Mais hormis cette précaution, on peut débuter la vaccination à n’importe quel moment de l’année.
Pour le second vaccin, la primo vaccination se fait par deux injections à un mois d’intervalle avec des rappels annuels. Pour les poulinières il est conseillé d’effectuer le rappel tous les 6 mois.
Dans un important élevage que nous suivons (140 juments) et dans lequel il y a un portage latent du virus HVE1, nous n’avons plus eu aucun avortement depuis que nous vaccinons l’effectif quatre fois par an.

Hormis la vaccination, quelles sont les précautions à prendre pour éviter la propagation du virus ?
C’est un virus très contagieux qui se propage principalement par contact direct. Lors d’épidémies, il faut donc limiter les contacts entre les chevaux, isoler les cas suspects ou avérés, respecter des mesures d’hygiène sanitaire (soigner les animaux malades en dernier, se laver les mains régulièrement, mettre une blouse et des surbottes pour soigner un animal malade, mettre des pédiluves devant les boxes contagieux…).

Propos recueillis par Savina Blot-Dollfus